La lecture recule année après année, et pourtant le nombre de parutions de livres ne cesse de s’accroitre. Comment expliquer cette réalité.
Eric. 02/11/20225
Pourquoi lit-on ? A cette vaste question, tous les lecteurs compulsifs – je m’intègre malheureusement dans cette famille – apportent une réponse singulière. En revanche, lorsque l’on pose cette question de manière plus globale et générale, les réponses se réduisent et les problématiques se concentrent en quelques points. Certes, la lecture reste traditionnellement un support de culture, de savoir, d’imaginaire, … On ne peut occulter la baisse importante de cette activité culturelle, pourtant accessible au plus grand nombre. La transformation numérique n’a pas tué le livre, comme certains le prédisaient, mais a relégué la lecture au rang d’activité marginale. Et pourtant !
Lire pour apprendre, rire, rêver, s’émouvoir, …
Le plaisir reste la motivation première des lecteurs peu importe la finalité recherchée (apprendre en parcourant un essai, s’émerveiller avec un recueil de poésie, s’évader en dévorant un roman ou une BD, …). Pourtant, nous lisons de moins en moins, alors que les éditeurs multiplient les parutions. Un paradoxe que nous ne pouvons passer sous silence.
Je ne vais pas vous étourdir d’études chiffrées, mais je vous invite si le cœur vous en dit (et surtout si je sujet vous intéresse) à effectuer vos propres recherches sur ce Content Shock et autre fatigue informationnelle. Toujours est-il, que la digitalisation de notre quotidien offra, pendant un temps aujourd’hui révolu, l’espoir d’un accès libre au savoir et à toutes les connaissances du monde. Il suffit de regarder les statistiques en matière de création de contenu pour comprendre, que notre époque a produit autant d’informations que toute l’humanité depuis son apparition. Naturellement, la lecture éprouve de grandes difficultés à rivaliser….
Des crétins à éduquer, une ambition innovante ?
Face à ce flux incessant de données – autant ne pas parler de savoir … :) -, les livres ne peuvent rivaliser. Et pourtant, en un demi-siècle, les éditeurs n’ont cessé d’accroitre la production éditoriale. On comptabilise aujourd’hui environ 70.000 nouveautés par an. Si on met de côté les réimpressions, on arrive à environ 1.000 nouveaux livres chaque semaine. Ces chiffres sont issus de l’excellente analyse / étude de Cécile Rabot, publiée aux presses de l’ENSSIB : La construction de la visibilité littéraire en bibliothèque.
Autant dire, que le nombre de livres disponibles augmente continuellement, en parallèle de cette avalanche de données numériques. Pourquoi augmenter le nombre de parutions alors que la lecture recule et est appelée à poursuivre son inexorable déclin ?
Peut-être tout simplement, parce que nous sommes devenus crétins comme le laissait entendre un article du Monde Diplomatique, auquel j’avais déjà réagi. Je ne dispose pas du temps nécessaire pour effectuer les études détaillées, mais force est de constater que de manière générale, si le nombre de titres se multiplient, c’est principalement en raison de l’augmentation du nombre de titres similaires.
De plus en plus de livre pour des lecteurs de moins en moins nombreux ?
Le « développement personnel » apparaît être le sujet tendance, et cela se confirme devant l’explosion des titres consacrés à ce sujet. On ne parle pas de Duplicate Content pour les livres, on préfère se raccrocher au crime de lèse-majesté qu’est le plagiat. Je ne prétends pas que tous les ouvrages consacrés au développement personnel sont identiques, mais je reste convaincu, que tous s’appuient sur les mêmes tenants, livrant une paraphrase des textes les ayant précédés.
D’un autre côté, éditer un livre suppose – la notion est sensible dans le domaine culturel – de le vendre. Comment vendre un livre alors que 1.000 autres sont édités dans le même temps, et que 7 jours plus tard, 1.000 nouvelles parutions auront besoin de se faire une place sur les étals des librairies ? La guerre de visibilité dans le milieu de l’édition est mortifère. Il n’y a donc pas d’autres choix que de se faire une idée d’après les dossiers de presse, les arguments des critiques officiels (revue, émission de radio, …), la renommée des auteurs publiés, …. Certains ouvrages sont donc, dans ces conditions, mort-nés pour le lectorat. Comment exister avec un premier roman, quand on ne bénéficie d’aucun soutien ? Les libraires prendront-ils connaissance du contenu et accepteront-ils de le mettre en avant ? Cela supposerait déjà, que bibliothécaires et libraires aient le temps de tout lire ce qui est inenvisageable. Eux-aussi doivent se fier à des guides de sélection, des guides qui ne sont jamais représentatifs de la qualité littéraire des textes mais bien constitutifs de la stratégie marketing des grandes maisons d’édition.
Tout cela concourt à une forme de concentration, empêchant ou réduisant la diversité espérée. En d’autres termes, on publie de plus en plus de livres, mais la réalité souligne que la diversité se réduit et que l’uniformisation devient générale. Je ne peux que m’en désoler comme tant d’autres … Et pourtant, cela perdure encore et toujours.
Et vous, comment jugez-vous cette augmentation du nombre de parutions en France ?
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